Il existe un mot japonais pour dire les jeux d’ombre et de lumière qui filtrent à travers les feuilles des arbres dans la forêt : komorebi. 1
Yin et Yang
Nous ne pouvons pas vivre seulement de Lumière, l’Ombre est indispensable. La pensée chinoise nous enseigne l’équilibre et l’interdépendance du Yin et du Yang. Dans un mouvement permanent, le Yin évolue (dans le sens de croître) vers le Yang qui évolue à son tour vers le Yin etc. « Yin c’est ce qui va devenir Yang, Yang c’est ce qui va devenir Yin ». 2 La Lumière (Yang) à sa part d’ombre (Yin) et l’Ombre (Yin) a sa part de Lumière. Yin et Yang sont aussi les deux faces d’une même pièce, l’adret et l’ubac d’une montagne 2, l’un n’existe pas sans l’autre. L’arbre plonge ses racines dans les profondeurs de la Terre (Yin, Ombre, mondes souterrains, Terre nourricière) pour en extraire la sève brute. Ses branches se déploient vers le ciel (Yang) pour chercher la lumière nécessaire à la photosynthèse qui va transformer la sève brute en sève élaborée. L’arbre est un Alchimiste. Peut-on imaginer un arbre sans racines ? Non. L’arbre nous montre comment nous pouvons équilibrer les contraires et nous en nourrir.
La femme et l’homme ont besoin de trouver un équilibre entre introspection (Yin) et action (Yang), entre l’Ombre, le côté obscure inconscient mais pas nécessairement mauvais et le côté solaire, domaine des apparences, de la forme, des réalisations concrètes, des actions physiques et des productions intellectuelles.
L’introspection
« On peut se servir de son cerveau de temps en temps pour autre chose que le travail ou les loisirs (…) 3
Certaines personnes ont besoin d’une catastrophe dans leur vie pour commencer à regarder en eux-mêmes. Avant cela elles n’en voyaient pas l’intérêt. On peut s’arrêter de temps à autre, pour réfléchir et se poser quelques questions : « Ce que je fais a-t-il un sens » ? « Comment vais-je » ? Prendre le temps de mettre des mots sur ses états d’âme, pour les cerner un peu mieux. Ecrire un journal intime…
L’exercice d’introspection, c’est comme prendre le temps d’accorder son instrument pour mieux en jouer ensuite 3 mais elle fait peur car les personnes naturellement tournées vers l’introspection semblent fragiles, instables, froids, distantes, indifférentes, déprimées par moment. Il est difficile de les comprendre, elles sont une énigme pour leur entourage. Cela ne donne pas très envie de se pencher sur ses états d’âme. Cependant, en pratiquant l’introspection ou la méditation on peut découvrir une joie intense, une paix intérieure, un sens à sa vie, l’Inspiration, l’envie d’être utile…La méditation de pleine conscience ou Vipassana4 est une forme d’introspection. Elle peut devenir un rituel, une rencontre journalière avec soi-même. A telle heure, je m’assieds et j’observe au fond de moi, la « météo » du jour, mais pas seulement…
Un peu d’ennui, ça ne peut pas faire de mal.
Nous habituons les enfants à être toujours actifs, l’ennui ne fait plus partie de leur quotidien. Pourtant, de temps en temps, ils auraient bien besoin de se poser et d’ Inspirer, dans tous les sens du terme. L’ennui, comme la pluie, favorise le retour vers soi, l’imagination et l’émergence d’idées. Sans idées nouvelles nous ne faisons que répéter les schémas du passé.
Les enfants peuvent apprendre à se calmer même s’ils ont l’habitude d’être très actifs. L’esprit commande, le corps obéit, tout le monde peut apprendre cela. Si les enfants comprennent pourquoi il est important de se calmer, ils réussiront à le faire et cela peut même devenir un jeu. Trouver le bouton stop ? 5
Les enfants peuvent apprendre à poser leur attention sur leur ventre et leur respiration, quelques minutes par jour, c’est suffisant. Après un effort physique, c’est encore mieux. En effectuant cet exercice ils pourront inviter le calme à venir à l’intérieur d’eux, comme s’ils ouvraient les fenêtres pour laisser entrer un air plus frais. La méditation de pleine conscience favorise l’émergence d’un état modifié de la conscience6 qui est accompagné d’un sentiment d’unité et de connexion avec le vaste monde, tous ses êtres vivants et avec le Soi.
A la recherche d’un état stable.
Les évènements suscitent des émotions en nous, agréables ou désagréables. Soit, nous nous accrochons aux sensations agréables et nous voudrions qu’elles durent toujours, en faisant durer par exemple les évènements auxquels elles sont associés. Soit, nous entretenons des états émotionnels négatifs (colère, anxiété…) par nos pensées, nos ruminations (j’ai décidé que c’était comme ça et pas autrement, c’est injuste, j’ai raison, je vais me venger, je suis nul, tu es nul, je n’y peux rien, tu n’y peux rien, je crains le pire…)
Dans un cas comme dans l’autre, nous nous figeons alors que la Vie cherche à s’exprimer, d’une manière ou d’une autre. Nous la percevons par le filtre de nos jugements de valeur mais la Vie, comme l’eau, se fraie un chemin, c’est tout. Nous pouvons mettre des barrages mais tôt ou tard ils finiront par céder.
Entrainez-vous à laisser passer les émotions et les pensées sans leur accorder trop d’importance, vous vous rendrez compte qu’en réalité elles passent très vite. Avec l’entrainement vous développerez un état plus stable et plus de souplesse. Un état dans lequel vous êtes à « égale » distance entre l’agréable et le désagréable, entre la douleur et le bien-être… Appréciez et ressentez la joie quand elle est là mais laissez-là s’en aller le moment venu. Vous êtes en colère ? Il y a sans doute une raison à cela mais en attendant de la trouver, cela ne coûte rien (sauf pour l’égo) de revenir à de meilleurs sentiments. En laissant aller votre colère vous retrouverez votre liberté d’action.
Sans le concept d’un autre
il n’y a pas de moi séparé
Sans le sens d’un moi
rien ne peut être vu comme autre (…)
Le Maître vit en harmonie
l’immature fait le difficile
accepte certaines choses, en rejette d’autres
et se rend malade
à essayer de contrôler le monde
Quand les choses semblent discordantes
retourne au centre.
Tchouang-Tseu8 (textes écrits entre-300 et -100 avant JC)
Le Sentier de l’épreuve
Le monde traverse une période de grands bouleversements, « la maison brûle et nous regardons ailleurs » nous disait un homme politique bien connu. Notre attention est accaparée, elle se dirige naturellement vers la nouveauté et ce qui nous fait plaisir. C’est pourquoi nous avons du mal à maintenir notre attention sur les problèmes, les nôtres et ceux du monde. Nous avons le réflexe de passer rapidement à autre chose et malheureusement les problèmes restent non résolus. Des difficultés, nous en avons, mais nous avons aussi à notre disposition, les outils qui nous permettent de les résoudre. La méditation est un outil parmi d’autres, c’est une technique très ancienne, elle développe notre capacité à rester attentif et bienveillant. Elle n’empêche ni les tempêtes de l’âme ni les problèmes du monde mais elle nous donne plus de stabilité pour les traverser et les résoudre.
Dans les enseignements de la Sagesse éternelle7, cette période de grands bouleversements est appelée, Sentier de l’épreuve ou chemin de probation. Elle précède la première Initiation ou 1ère grande expansion de conscience. Elle est symbolisée, dans les évangiles, par la naissance de Jésus, ou la naissance de l’Amour dans le cœur. La méditation commence à nous intéresser quand nous nous approchons de cette initiation, individuellement ou collectivement. Ce n’est pas un hasard si elle est devenue si populaire ces dernières années.
Sources
1 Les pouvoirs guérisseurs de la forêt, Héctor Garcia, Francesc Miralles
2 Les rouages du Yi Jing, Cyrille Javary
3 Les états d’âme, Christophe André
4 Vipassana, en pali, une langue indo-européenne parlée autrefois au pays de Bouddha, signifie «voir les choses telles qu’elles sont vraiment».
https://positivr.fr/definition/meditation-vipassana/
5 Calme et attentif comme une grenouille, Eline Snel
6 c’est une modification de la fréquence des ondes cérébrales
https://www.penser-et-agir.fr/etat-modifie-de-la-conscience/
https://www.psychologue.net/articles/les-etats-modifies-de-conscience
7 Initiation humaine et solaire, Alice Bailey
8 Le rire de Tchouang-Tseu, Stephen Mitchell